En France, comme au sein de notre start-up Weview, il est essentiel de mesurer les évolutions des conditions de travail et les perceptions des salariés sur celles-ci afin de percevoir l’impact de la prévention des risques, et de pouvoir agir sur ceux-ci. Le manque de reconnaissance est un risque psychosocial important qui est mesuré au niveau national depuis 2010 et qui suscite bien des questions.

“Les enquêtes « conditions de travail et RPS » et « SUMER » nous permettent de constater qu’en 2016-2017 : 49% des salariés manquent de reconnaissance au travail.”

Non la reconnaissance n’est pas seulement une histoire de salaire.
La notion de reconnaissance fait l’objet d’une construction sociale et dépend des identités de chacun (normes, valeurs, logiques professionnelles, éléments sociaux culturels construisant l’identité professionnelle). Les vecteurs de reconnaissance sont multiples et s’imbriquent. Sa compréhension macro-sociologique découle donc de l’étude de plusieurs sphères associées : la société, l’entreprise et le métier. A un niveau micro-sociologique on s’intéresse plutôt à l’entreprise, où les attentes des salariés dépendent des efforts fournis : on parle de réciprocité sociale ( C.F. modèle de Siegrist)

A quoi font référence ces trois sphères de reconnaissance ?
  • La reconnaissance au sein de la société fait référence à la notion de prestige social du métier exercé, autrement dit, aux représentations sociales de mon activité.
  • La reconnaissance au sein de l’entreprise correspond à la position de son métier dans la strate hiérarchique, à l’utilité du métier pour l’entreprise (à quoi sert mon travail et en quoi est-il nécessaire/important pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise ?), aux compétences, à l’expérience, au savoir du professionnel, etc.
  • La reconnaissance au sein de la communauté professionnelle renvoie à la fois aux normes, codes, valeurs professionnelles et aux stratégies défensives du métier. Ces stratégies correspondent à une revalorisation interne de l’activité exercée. Autrement dit, il s’agit ici du jugement de l’individu et du métier des collègues exerçant la même activité. Cette forme de reconnaissance correspond à une sublimation de l’activité au sein du collectif de travail qui forme alors un espace où se créent des représentations valorisantes de l’activité ou des tâches perçues comme « ingrates » à l’extérieur du groupe.
Lorsque l’on parle de reconnaissance au travail on s’intéresse principalement à la sphère de l’entreprise puisque c’est dans celle-ci que se développent les attentes des salariés et c’est également au sein même de l’organisation que nous pouvons agir. Ici, la reconnaissance est caractérisée par l’accès aux avantages que les individus jugent légitimes d’obtenir au regard des efforts élevés fournis.
Plus l’individu estime qu’il fait des efforts importants pour l’entreprise (dossier urgent rendu dans des délais courts, heures supplémentaires, etc.) plus il attendra de « récompenses en retour ».
Les récompenses attendues peuvent être de diverses natures :
  • Avoir un meilleur degré de contrôle sur son statut : sécurité de l’emploi, droit à la formation, possibilité de développer ses compétences, d’évoluer, etc.
  • Les récompenses matérielles, monétaires : augmentation de salaire, primes, etc.
  • Les récompenses symboliques : L’estime reçue des collègues, de la hiérarchie, des bénéficiaires du travail (clients internes, externes, etc.) : ici on attend une reconnaissance des compétences, de l’expérience, des efforts, de l’investissement professionnel, des résultats, et une reconnaissance sociale de l’activité au sein de l’entreprise.

Julie Bernoville

Sources :
Loriol, Marc. « La construction sociale du stress : entre objectivation, subjectivité et régulations collectives des difficultés au travail », Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 10, no. 2, 2010, pp. 111-124.
Vézina, Michel, et al. « Définir les risques. Note de recherche : Sur la prévention des problèmes de santé mentale », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. no 163, no. 3, 2006, pp. 32-38.
Loriol, Marc. « Autonomie, reconnaissance et stress », Revue Projet, vol. 291, no. 2, 2006, pp. 79-84.
Lanquetin, Jean-Paul. « Rendre visible le travail invisible ? Prendre soin du travail pour travailler le « prendre soin » », Rhizome, vol. 67, no. 1, 2018, pp. 39-46.
Lhuilier, Dominique. « Le « sale boulot » », Travailler, vol. 14, no. 2, 2005, pp. 73-98.